L’hôpital. Qui aime cet endroit ? L’odeur de la mort y rôde. Tous, nous voulons fuir cet endroit, l’éviter le plus possible. Et pourtant depuis déjà 8 mois, cet endroit était devenu mon deuxième foyer. Mon quotidien. Berlin, Athènes et maintenant Larissa. Peu importe la ville, je devais toujours et encore m’y rendre. En l’espace de quelque mois mon état avait empiré et les rendez-vous avec mon médecin devenaient de plus en plus fréquents. J’avais des médicaments à prendre chaque jour afin de soulager la douleur et maintenant de 2 à 3 fois par semaine, je devais subir un traitement de fond, long et douloureux. Mais cela ne changerait rien. Je pourrais suivre tous les traitements qui pouvaient exister aucun ne me sauverait. Ils étaient là pour améliorer mes conditions de vie, rendre la douleur moins lourde. Seul moyen de m’en sortir, une greffe de foie. La liste d’attente étant trop longue et mon état étant grave, il ne me restait plus que ma sœur. Mais pour le moment, cette solution n’était pas envisageable.

Chaque jour, même avant de revenir à Larissa, je devais faire semblant que tout aille bien. Je n’étais pas prête à en parler, pas tant que les choses n’étaient pas arranger avec Cathlyn. Je voulais retrouver ou plutôt reprendre mes marques, sans que personne n’ait pitié de moi, sans entendre les mauvaises langues me dire que je l’avais bien mérité. Jouant sur le maquillage, gardant des vêtements féminins et sexy, mais surtout en essayant de rester forte. Rester forte ! C’était la chose la plus difficile à faire. Je n’avais pas le moral pour ça, je n’avais pas cette force mais je le devais pour Cathlyn. Au moins une fois dans ma vie, je voulais la faire passer avant moi !

Seulement dans cet hôpital, je ne pouvais pas mentir. A chaque pas qui m’emmenait au service des transplantations, un écriteau se plaçait au-dessus de ma tête, avec inscrit en gros caractère « MOURANTE ». Cet écriteau était lourd à supporter, mais c’était le seul endroit où je pouvais être moi-même, où je n’avais pas besoin de faire semblant, où je pouvais me laisser aller avant de tout reprendre sur mes épaules. Aujourd’hui, c’était mon deuxième rendez-vous de la semaine. J’avais essayé d’être discrète. Préférant les rendez-vous le matin ou milieu d’après-midi, pendant que la plupart des habitants étaient au travail. Loin d’être égocentrique, j’ai juste peur qu’une personne proche de ma sœur, ne me voit et lui déballe tout avant que je n’ai pu le faire.

Je n’avais même plus besoin de me présenter, je n’étais là que depuis peu, mais c’est fou comme on peut se souvenir de vous quand vous êtes malade. Machinalement, je me rendis dans la salle d’attente, le regard fuyant la sortie. J’étais adossé contre une chaise peu confortable, le regard toujours dirigé vers la sortie et je fis ce que je voulais tant faire. Prendre la fuite. Tout ceci n’avait été qu’une erreur de diagnostic, mon psychisme m’avais fait ressentir tous ces maux en concordance avec ce que je croyais. Mais j’allais bien. Très bien. Je pourrais renouer avec Cathlyn ou encore avec Kyra, j’en avais le temps à présent. Un bruit sourd me fit sursauter et je réalisai que j’étais toujours en salle d’attente, je ne l’avais jamais quitté. Rêveuse, j’avais encore pris la fuite dans mes pensées. Tout était plus simple et plus agréable. Chaque retour à la réalité était brutal. Je disais être en accord avec tout ça, avec le fait de mourir et pourtant, très souvent j’ai toujours cet espoir que quelque chose change, j’ai toujours l’espoir de retrouver ce temps qu’on m’enlève. Soupirant de déception, je basculai ma tête en arrière, trouvant appui contre le mur et fit ce qu’on attendait de moi. Attendre.

Enfin, j'avais de nouveau le droit de marcher après deux jours alité! J'étais heureux! Bien sur, je devais tout de même faire prendre mon temps et y aller lentement ...mais tout de même! Je n'en pouvais plus, de toute façon, d'être couché! J'en avais marre. Mes jambes devaient bouger un peu et moi je devais surtout voir un autre décor que ces quatre murs fades et redondant!

Je sorti donc lentement de mon lit en me tenant après le soluté, mis mes souliers et restai immobile quelques secondes en reprenant mon souffle.J'attachai ensuite ma jaquette d'hôpital convenablement pour ne pas que les gens voient mes petites fesses blanche et toussota quelque peu par la suite. Je me sentais un peu étourdi mais pour l'instant, ça allait. C'était normal, sans doute. De toute façon, j'avais déjà marché, accompagné d'une infirmière ce matin et elle m'avait dit que j'aurais besoin d'un temps d'adaptation mais que ça irait lorsque je reprendrais une vrai marche. J'étais donc déterminé et aussi, je voulais absolument aller mieux pour pouvoir partir sous peu et retrouver ma Mila. Je devais lui dire tout mon amour. C'était important. M'excuser aussi de lui avoir autant menti sur ma vie. Je le devais pour moi, mais aussi et avant tout, pour elle.

Je laissai donc ma chambre derrière moi en sortant et regardai autour de moi pour voir quelle direction prendre. Je tournai donc à droite. J'avais un peu faim, disons. Je me dirigeai donc vers la cafétéria en souriant aux patients, aux personnels de l'hôpital et aux familles. J'étais simplement heureux d'être de nouveau sur pieds. Ça me manquait!

Une fois à la cafétéria, je me pris un jello avec deux biscuits santé. je voulais faire mes provisions! Je payai ma commande à la dame, en lui souhaitant gentiment bonne journée par la suite et reparti, plus lentement cette fois car j'étais chargé de nourriture. Le soluté d'une main, les victuailles de l'autre, je décidai d'aller explorer un peu l'environnement.

Je changeai donc d'étage. La troisième! Um, intéressant. Qu'avait-il donc à cette étage? Je regardai de gauche à droite et aperçu alors une affiche écrit en gros «Service des transplantations» C'est alors qu'un grand frisson vint me prendre par surprise. J'avais si peur de devoir me rendre jusque là! Une greffe cardiaque ...Quelque chose d'autre faisait-il plus peur dans la vie que ça? J'avalai alors ma crainte et poursuivi malgré tout mon idée de vouloir explorer les alentours. Cependant, plus j'avançai, plus j'avais du mal à respirer. J'étais essoufflé. Peut-être en avais-je trop demandé à mon corps, d'un coup!

C'est alors que je vie une femme assise seule dans la salle d'attente. Je décidai donc de marcher vers elle pour m'asseoir à ses côtés quand soudain, une quinte de toux creuse me prit par surprise, me faisant échapper mon bol de jello au sol, qui vint s'étendre un peu partout devant moi. Extrêmement gêné par la situation, je me penchai alors peut-être un peu trop rapidement pour ramasser le tout quand ma tête se mit de nouveau à tourner. Ce moment dura quelques instant avant que je puisse reprendre convenablement mes esprits et m'empressai de dire «Pardonnez-moi si ...Si je vous ai dérangé! J'explorais les lieux et ....» d'une voix toute triste, je poursuivis en regardant l'étendu des dégâts «Ooooh, merde ...Le jello à la fraise est mon préféré en plus ...Maintenant c'est gaspillé!» puis je fis la moue en relevant mon regard noisette vers la jeune dame qui se tenait maintenant devant moi. Remarquant très vite qu'elle n'avait pas l'air importuné par ma venue, je lui tendis alors la main en souriant et dit «Matthias Zemeckis, enchanté! ...et vous?»

L’attente est ce qu’il y a de plus long et de plus inutile. Nous perdons de précieuses secondes, minutes, heures voir jours à cause de l’attente que nous subissons. Depuis que ma maladie a été diagnostiquée, j’ai perdu du temps en essayant d’encaisser la réalité. En essayant de refuser ce qui m’arrivait. J’ai perdu suffisamment de temps. Aujourd’hui tout est clair. Je vis au jour le jour, avec à l’esprit, l’idée que je peux mourir à n’importe quel moment. Il ne me reste que peu de temps et il est hors de question de passer ce si peu de temps à attendre. Je profite de tout, m’intéresse à tout et essaye toute sorte d’expérience. Le seul moment où je m’autorise à perdre du temps c’est quand je me repose, de nuit comme de jour. Mon corps est de plus en plus faible et j’ai besoin de toute la force qu’il me reste pour donner le change, pour être sûr de ne pas attirer la pitié d’autrui mais surtout pour pouvoir autant profiter de la vie. Et pourtant me voilà ici, à l’hôpital à perdre de nouveau mon temps. Il n’y a aucun traitement, aucune solution miracle qui me sauverait. Je ne pense même plus à la greffe, pas après tout ce qui s’est passé avec ma sœur. Venir ici me faisais plus perdre mon temps qu’autre chose. Le traitement qu’on m’infligeait était lourd et douloureux mais une fois sortit de cet endroit, la douleur était masquée et je puisais tout au fond de moi le peu de force qu’il me restait pour continuer à vivre.

A cet instant je me trouve dans la salle d’attente, à attendre comme son nom l’indique. On me donne un créneau horaire, mais je dois passer par tellement de médecin avant qu’il se retrouve toujours un moment où je suis assise, à attendre, seule, à m’ennuyer, à perdre mon temps. Et cela se répète à chaque visite, sans que rien ne vienne perturber cette routine, cet ennui, cette perte de temps. Rien jusqu’à aujourd’hui, rien jusqu’à lui. Un homme qui devait avoir environ son âge, qui était grand, svelte avec un air timide et triste. « Pardonnez-moi si ...Si je vous ai dérangé! J'explorais les lieux et ». Il fut coupé dans son élan quand il lâcha malencontreusement ce qu’il tenait fermement dans sa main. « Ooooh, merde ...Le jello à la fraise est mon préféré en plus ...Maintenant c'est gaspillé! ». A cet instant il fit une moue qui reflétait la déception et la peine face à ce qu’il venait de se passer. Ce n’était mais ce simple geste de ses lèvres, fit se dessiner un sourire sur les miennes. Un très bref instant je pensai à autre chose, oubliant où je me trouvais. Ce ne fut que lorsque je réalisai que ce que était éparpillé par terre provenait de la cafétéria que je me souvins de ma séance à venir. J’avais été seule, tout le temps et quand je pensais au temps que je perdais en attendant mon tour, cet inconnu entra et brisa ma routine. Inconnu qui n’allait plus en être un « Matthias Zemeckis, enchanté! ...et vous? ». Je me levai et me présentai également à mon tour, « Ailin… Ravie Matthias », conclus-je par un sourire sincère. Je n’avais pas donné mon nom de famille par choix, pour la simple et bonne raison que je n’étais pas la seule Hatzipanagis de la ville et que je n’voulais pas que ça arrive aux oreilles de Cathlyn tout de suite. « Et bien, Matt, si je peux me permettre… ça vous dirais un autre jello ? Je vous invite ! ».

J’en avais marre d’attendre, à ne rien faire. De toute façon, j’avais un bipper et j’allais prévenir la secrétaire que je me rendais à la cafet’. Certes la bouffe y était immangeable, mais j’avais ce point commun avec Matthias pour le jello. Et ça me permettrais d’avoir un petit quelque chose dans le ventre avant mon traitement. Bien ce que n’était pas ce genre de nourriture qui me procurerait des forces. Quand il accepta et que la secrétaire fut informée, c’est donc à la cafétéria que nous descendîmes, choisissant la couleur qui nous plaisait. Le rose me sauta directement aux yeux. Je payai le tout et nous purent nous installer dans un coin replié de la cafet’, ainsi évitant des regards, puisqu’au vu de la tenue de mon nouvel « ami » et mon teint à en faire pâlir plus d’un, nous ne pouvions pas cacher que nous étions des patients. Et dans un hôpital, il y a toujours la peur constante pour ceux qui sont en bonne santé, d’attraper quelque chose qui serait contagieux. De cette manière, il n’y avait que nous face aux autres, face aux employés, face aux familles. Je reportai mon attention sur Matthias et sourit en le voyant manger avec appétit et envie cette mixture coloré. « Vous avez dit visiter les lieux tout à l’heure, alors je me demandais de quel service vous veniez, si ce n’est pas trop indiscret. Après tout, je ne suis qu’une inconnue ». Des inconnus, voilà ce que nous étions. Nous ne le savions pas encore à cet instant mais notre rencontre allait bouleverser nos vies. Nous étions des âmes sœurs dans le combat que nos maladies nous infligeaient. Personne d’autre ne pourrait mieux nous comprendre que l’autre. Ensemble nous n’allions être plus fort.

J'avais voulu me dégourdir les jambes un peu et explorer les environs! Je ressentais aussi un peu la faim gargouiller dans mon estomac, donc après un bref passage à la cafétéria pour me prendre deux biscuits santé et un jello à la fraise, je décidai de poursuivre mon exploration en montant au troisième étage. J'étais curieux de voir ce qu'il s'y trouvait! Je connaissais que le département de cardiologie, l'urgence et la cafétéria ...et j'avais envie de voir si toutes les étages se ressemblaient plus ou moins, de près ou de loin!

C'est alors qu'en sortant, quelques instant après avoir aperçu une jeune femme attendant seule dans la salle d'attente, une quinte de toux profonde vint m'assaillir dû à mon essoufflement. Je m'excusai alors à la dame de l'avoir dérangé si tel était le cas et, apercevant mon jello étalé partout au sol, je fis une moue triste en me plaignant de sa perte à la damoiselle avant de relever mon regard, de lui sourire et me présenter gentiment.

Celle-ci se relevai en même temps que moi en se présentant à son tour « Ailin… Ravie Matthias » et tout sourire je lui dis en toute sincérité «J'adore votre prénom!» mais quand elle me dit « Et bien, Matt, si je peux me permettre… ça vous dirais un autre jello ? Je vous invite ! » mes yeux devinrent tout brillants. Elle était si gentille! J’acquiesçai alors, heureux en lui tendant un de mes biscuits «D'accord, mais prenez un biscuit en échange! Il est bon et ...» je me grattai la tête un peu en roulant les yeux «C'est santé ...» comme si le fait d'avoir acheté un biscuit sans sucre était contre ma nature. Je lui relançai ensuite un sourire amusé tout en marchant avec elle en direction de la cafétéria.

Nous avions décidé de nous mettre un peu à l'écart des gens, dans un coin reculé de la cafétéria pour ne pas se faire trop remarquer. Disons qu'avec ma tenue, je ne laissais pas de doute sur mon identité! J'étais un patient! Ailin aurait pu aisément par contre se faire passer pour une visiteuse. Munit de notre nourriture, je m'assis donc devant elle en enfonçant ma cuillère dans mon jello à la fraise tout en disant, tout sourire «Merci encore pour le jello! C'est très gentil!» et je me mis une première bouchée dans la bouche en refermant les yeux et laissai s'échapper d'entre mes lèvres un «Mmmmmiaaam ...» C'était si bon!

Je dégustai quand Ailin vint briser le silence en disant « Vous avez dit visiter les lieux tout à l’heure, alors je me demandais de quel service vous veniez, si ce n’est pas trop indiscret. Après tout, je ne suis qu’une inconnue » Je rouvris alors mes yeux et mes joues prirent une couleur quelque peu rosée à l'écoute de sa question. J'avalai lentement ma bouchée en disant «Um ...Je viens du service de cardiologie.» tout en lui jetant un petit sourire timide. Je décidai cependant de continuer, à ma grande surprise en avouant «J'ai eu un malaise ...Une crise de tachycardie après avoir sauvé une copine qui travail ici, justement. Enfin ...C'est mon médecin! Je me devais de la sauver pour vivre!» et je rigolai nerveusement en hochant non de la tête «En fait c'est plus que ça ...» et mon regard s'assombrit en regardant mon jello. Je me sentais comme un gamin mit à l'écart. J'aurais tant voulu être normal, lui dire que j'étais ici que pour une visite médicale annuelle, comme tous le monde ...mais non. J'étais un malade cardiaque et je ne pouvais rien y changer.

Je respirai alors un bon coup et, retrouvant mon sourire rassurant, lui dit «Maintenant c'est tu, d'accord?» puis piochai de nouveau dans mon jello en lui demandant «et toi? Service de transplantation ...» et sans m'en rendre compte, je mis ma bouche en coin comme incertain et craintif devant ce qu'elle allait me dire.