Deux semaines que j’étais rentré à la maison. En convalescence et à rester tranquille pour un repos total. D’ailleurs selon les médecins, je n’étais prêt à reprendre une activité avant trois mois. Chose difficile pour moi, qui aime tant être actif. De plus, j’ignore encore si je serais capable de reprendre mon job au garage. Je n’ai encore rien décidé, bien que j’ai déjà émis mes doutes sur le sujet à Cath. Je sais que ça tombe mal avec l’arrivée du bébé mais même si j’adore avoir le nez dans un moteur durant des heures, j’me rends compte que j’ai failli y rester cette fois.

Les flics m’ont interrogés sur l’accident, prenant des notes avant que je leur fasse une description de l’homme et leur explique son apparenté avec ma sœur défunte. J’avais vu les regards qu’ils avaient échangés. Je n’étais pas flic mais j’en avais déduis que ça n’était pas le premier « accident » de ce type. J’espérais uniquement que ce type serait arrêté et qu’il ne reviendrait plus dans ma vie.

Après avoir pris une douche avec précaution. Chose un tant soit peu compliqué avec ces cicatrices sur mon torse, je me regardais dans le miroir de la salle de bain avec une certaine grimace. J’avais toujours ce teint légèrement blanchâtre et à coup sûr, Cath ne me laisserait jamais sortir. Ce qui s’avérait être un inconvénient. Je finis par me trainer jusque dans la chambre pour me changer. Un jean, un tee shirt et une chemise pour ne pas changer de mon style habituel. J’entendais les deux femmes de ma vie se chamailler dans le salon et j’eus un lent sourire en m’approchant de la pièce. C’était à ça que ressemblerait notre vie dans quelques semaines. Après la naissance du bébé et que tous les deux soient en pleine santé. Je l’espérais profondément, sincèrement. Je m’avançais alors d’un pas lent avant de croiser le regard de Cath qui de dévisagea de la tête aux pieds.

« Je vais bien. » La prévins-je en contournant le comptoir de la cuisine pour me servir un café.
Elle me couvait et ça n’avait rien de désagréable mais je savais qu’elle n’apprécierait que moyennement ce que j’avais à lui dire.

« Je connais ce regard. »
« Quoi ? quel regard ? » répliquais-je immédiatement, soutenant son regard, piqué au vif.
« Celui qui m’apprend la mauvaise idée que t’as derrière la tête et que je pourrais rien faire pour t’empêcher d’aller contre ton gré. » me répond-t-elle alors que je secoue la tête.
« C’est pas ça.[i] » me défendis-je naturellement. «[i] Jiulia veut me voir. Elle veut qu’on déjeune ensemble. » Je la vis se pincer les lèvres, je l’entendais déjà dire qu’elle n’avait qu’à venir déjeuner ici. Depuis le début, j’avais conscience qu’elle ne serait pas ravie que je sorte.
« Et je parie qu’elle ne sait rien de l’accident ? » me prend-t-elle au dépourvu avant que je laisse échapper un soupir.
« J’veux pas l’ennuyer avec ça. J’serais prudent… » posais-je ma tasse de café sur le plan de travail, avant de m’approcher de Cath. « Juste le temps du déjeuner. Tu pourras me bichonner à mon retour, autant que t’en aura envie. » murmurais-je en venant caresser son ventre et déposer quelques baiser sur sa mâchoire et enfin sur ses lèvres. « Il ne m’arrivera rien. » Soufflais-je contre ses lèvres.
Soupirant d’agacement, elle capitula au bout de quelques minutes avant d’attraper un tube de médicament. « N’oublie pas d’en prendre au cours du repas c’est- »
« Important, je sais. » lui souris-je tendrement en fourrant le tube dans ma poche. Anti douleur et anti-infectieux. Ma main glissant une mèche derrière son oreille, je lui volais un baiser avant de rajouter. « Je t’aime… Collinn, tu surveilles que Mummy ne fasse pas bruler l’appart ou une quelconque bêtise ! » rajoutais-je avec un clin d’œil complice. Passant une main dans les cheveux de me nièce, j’y déposais un rapide baiser sur sa tête avant d’attraper ma veste pour sortir.

La route n’était pas particulièrement longue jusqu’à Alkazar Park, mais il s’avérait que la ceinture de sécurité frottait sur mes cicatrices encore fraiches. J’allais devoir être plus précautionneux que d’habitude. Ainsi, après être parvenu à me garer près du parc, je sortis du véhicule commençant une marche à pas plutôt lent alors que l’air qui pénétrait mes poumons à chaque inspiration déclenchait une forte douleur dans mon thorax et mon nez. Si encore je n’avais eu que mes blessure au thorax mais avoir le nez cassé n’arrangeait rien. Mon regard parcourut le lien pendant une bonne minute avant de repérer Jiulianna. Je pris une légère inspiration avant de reprendre ma marche. « Salut Blondie. » lui lançais-je spontanément avant de m’asseoir à son coté, et retenant un soupir de soulagement pour avoir enfin mis un terme à la torture que je m’infligeais depuis le départ de l’appartement.

Ça n’était certainement pas la meilleure idée du siècle de sortir dans mon état, mais je n’allais pas rester confiner dans l’appartement jusqu’à la fin des temps. Bon okay, c’était surement exagéré. Mais on savait que j’étais borné et qu’écouter les conseils des médecins lorsqu’il s’agissait de mon corps, c’était pas vraiment ma priorité. D’ailleurs que je sorte, ne plaisait pas à Cath. Que je vois Jiulia n’était pas le problème en soit même si je devinais à l’expression de son visage, qu’elle ne tenait pas mon amie dans son cœur. Chose que je pouvais comprendre. Il y avait encore des non-dits dans notre histoire. Rien n’était simple de par nos familles respectives mais on avançait. Baby step, me répétais-je une fois de plus tout en conduisant.

Les semaines à venir seraient difficiles. Pas uniquement de par mon état de santé mais celui du bébé et de Cath étaient encore plus préoccupant. Le risque que je les perdes tous les deux amplifiait chaque jour. Chaque nuit, je me réveillais plusieurs fois, jusqu’à m’assurer qu’elle respire. Ça pouvait sembler basique ou idiot mais je savais que sans elle, je n’y arriverais pas. Je ne pourrais pas élever Collinn et notre enfant – s’il survit- sans elle. Parce qu’à quoi bon d’avoir une famille, si je ne peux pas la partager avec celle qui représente toute ma vie. J’aurais dû parler à Jiulia plus tôt. Lui parler de l’accident et que je n’étais pas en état et pourtant, je prenais le risque de finir à nouveau à l’hôpital. Comme Cath a pris le risque de garder le bébé, privilégiant notre famille à sa propre santé.

Arrivant finalement au parc, c’est avec cette multitude de pensées que je la retrouve assise sur un banc. Je n’eus pas besoin de noter le ton de sa voix, son simple regard plein de question suffit à me rappeler que je n’aurais pas dû jouer au héros et sortir dans cet état.

«Yaàn! Ca fait plaisir de te voir. Mais tu sembles dans un piteux état. Que se passe-t-il?? Tu es plus blanc que les murs de ma chambre d'hôtel!!!»

« ça veut dire que tes murs sont un peu sale, désolé ! » ironisais-je en prenant une lente inspiration qui me brula les sinus avant de s’insinuer dans mes poumon. « J’ai eu un accident… enfin c’était pas exactement un accident. » baissais-je les yeux. J’avais pas envie de parler de Stella. Mais Jiulianna était certainement la seule à pouvoir comprendre mon problème. J’avais tout rapporté au flic mais d’ici à ce que j’identifie ce type, il serait toujours en liberté quelque part.

«Et me dit pas que tout va bien!!! JE te croirai pas... Ça m'est égal d'appeler Cath pour lui demander à elle!!!»

« Je vais mieux ! » soutins-je son regard. « Tu crois vraiment que Cath m’aurait laissé sortir malgré les centaines de recommandations des médecins ? » soufflais-je en laissant mon regard errer autour de nous. « Elle est pire qu’une maman ours. En plus elle avale des cornichons comme si c’était des bonbons… et j’te parle pas des hormones. Crois-moi, on avait tous les deux besoin que l’un d’entre nous prenne l’air…Tu connais le dealer de Stella, ma sœur ? » Je pouvais toujours essayer. Après tout, elle pouvait toujours avoir un nom ou deux en tête. Ça pourrait faire progresser l’enquête qui sait. Du moins je l’espérais. Mon regard venant se vriller finalement au sien, je repoussais toutes ses pensées. « Qu’est ce qui pressait ? De quoi tu voulais me parler que tu ne pouvais au téléphone ou l’appart ? »

L’incident qui remontait à plusieurs semaines n’avait absolument rien d’un accident. Ça serait mentir que de dire qu’il n’a pas peur pour sa vie et pour ses proches. Même les flics n’étaient pas à même de protéger les siens correctement. Tant que le dealer de Stella courrait, ils seront toujours en danger. Ainsi, je devais redoubler de vigilance à chaque sortie. Même lorsque Cath allait récupérer le courrier. Ça semblait anodin mais ce type avait manqué de me tuer et il n’éprouverait pas l’ombre d’un remord en s’en prenant à mes proches.

« Et qu'entends-tu par pas exactement un accident??? En général, on sait si c'est ou non un accident!!! »

Evidemment Jiu bondissait sur ma remarque. A vrai dire, je ne pouvais pas tenir ce genre de conversation autour de moi. Cath’ ne devait pas être stressé, Collinn devait retrouver un semblant de normalité dans notre vie, je n’étais pas certain que Matthy puisse imaginer l’ensemble de l’image familiale dont j’étais issue. D’accord c’est mon meilleur ami mais je sais de source sur qu’il a un certaine fragilité. Bien sur, j’aurais pu en parler à Cappie mais je ne voulais l’impliquer dans cette histoire, qu’il devienne une cible. Alors je me taisais. Du moins, jusqu’à maintenant. Je lui adressais un regard en coin avant de soupirer.

« Stella avait des dettes… » conclus-je simplement. Je n’avais pas été tabassé à mort comme on pouvait souvent voir ce genre de scènes dans des films. Cet enfoiré avait tout juste viré le cric de la voiture, sous laquelle j’étais glissé. Ça n’avait été en rien une partie de plaisir et sans Cappie, je ne me tiendrais pas là, auprès de mon amie d’enfance.

Parler de Cath m’apaisait en toutes circonstances. Elle était ce qui m’était arrivé de mieux depuis que j’avais mis les pieds à Larissa. C’était peu dire. Elle me faisait voir la vie sous un autre angle, elle m’avait apprit à faire confiance, elle avait donné un but à ma vie. Un présent et un futur. Et tout ça, c’était créé naturellement. Sans qu’on ait à forcer les choses. Cath était toute ma vie et si j’avais compris une chose depuis mon accident, c’était que je devais revenir vers elle. Toujours. Car sans elle, il n’y a plus de famille. Car elle est le centre de mon existence. Autant je vis Jiu sourire sur le coup que son sourire s’estompa à l’évocation de ma sœur ou plutôt de son dealer.

« Le dealer de Stella??? Pourquoi je le connaîtrais? Et qui te dit qu'elle en avait juste un... »

« C’est qu’une question. » haussais-je les épaules. « T’aurais pu la voir en compagnie d’un type… avoir une description… un détail aurait pu attirer ton attention, un piercing, un tatouage… » suggérais-je sans vraiment me souvenir de ce type, si ça n’est de ses chaussures, une vieille paire de santiags usé.

Devant son regard curieux, je préférais changer de sujet. C’était pas le moment, qu’elle cherche à savoir ce que j’avais derrière la tête. Car elle serait l’une de premières à vouloir m’empêcher d’agir. Jiu comme Cath ne chercheraient qu’à me protéger mais parfois, il faut faire les choses par soi-même si on veut qu’elles soient bien faites. C’est pourquoi je lui demandais la raison de ce rendez-vous. Certes ça m’arrangeait de sortir de l’appart, mais je n’étais en sécurité nulle part.

«Si je ne me trompe pas, Cappie est un bon copain à toi!!!»

Ça remarque n’avait absolument rien de subtil. Si au contact de Cappie, j’avais appris une chose c’était qu’il était passé maître dans l’art de séduire les filles. Que ça soit pour s’amuser ou combler un manque affectif. Néanmoins, il était le type sur lequel on pouvait toujours compter. Et ce malgré toutes les rumeurs qu’on pouvait colporter sur lui. Un petit sourire naquit sur mes lèvres en la voyant rougir. C’était rarissime chez elle. Elle dissimulait généralement bien ses sentiments mais visiblement, un dilemme cornélien s’imposait à elle.

« Cappie est le premier pote que j’me suis fait ici et il m’a sauvé la vie. Hormis, ça j’le considère bien plus qu’un bon copain. » ironisais-je quelque peu. Cappie et moi, c’était une sorte d’amitié étrange mais solide. La plupart du temps, elle ne songeait jamais au futur. Ou plutôt à ce qu’il ferait la prochaine heure. Il ne se projetait pas dans l’avenir. Il profitait à fond de chaque seconde. Ce, en quoi nous étions diamétralement différents. Mais si je savais une chose c’était que Cappie était le type le plus fidèle qui soit.

«En fait, je crois que j'ai un gros problème. Je n'arrive plus à retourner chez moi... Et Cappie en est probablement la cause majeure...»

« Oh… Ooooh !! » soufflais-je en la regardant une longue seconde avant de me pincer les lèvres. « Cappie a souvent tendance à poser des problèmes aux femmes. » lançais-je avec un sourire en coin avant de prendre une très lente inspiration qui vint me brûler la cage thoracique. « Donc le problème c’est que Cappie a trouvé une faille dans ta carapace ou que ton cher fiancé ne semble pas se préoccuper plus que ça de ton séjour ici ? » demandais-je naturellement avant de marquer une pause. « Je sais que c’est pas comparable. J’ignore c’qui s’est passé entre vous mais… quand Cath a quitté la ville, j’peux te dire une chose, je n’étais plus que l’ombre de moi-même. Chaque minute qui s’écoulait où elle était loin de moi, je me perdais dans les ténèbres. Je remuais mes pires souvenirs en boucle. J’ai eu de la chance qu’elle revienne. Depuis ce jour, je ne la quitte plus des yeux parce que je sais qu’il suffit d’une nanoseconde pour que ma vie bascule. » expliquais-je sans vraiment rentrer dans les détails du départ de Cath en début d’année. « Si tu penses que ça en vaut le coup, fonce sans te retourner. T’auras le temps pour les regrets quand tu seras morte… Et puis, t’as déjà une idée de ce que ta vie sera avec ton fiancé non ? Parfois, le seul chemin à suivre c’est celui que nous dicte notre cœur… » lui souris-je tendrement. « Quand Galina est morte… j’imaginais pas un seul instant qu’en emménageant à Larissa, je trouverais ce que j’ai toujours cherché. Ne laisse personne dicter tes choix, t’es maître de ton destin Jiu’. » achevais-je en l’entourant d’une étreinte amicale et déposant un baiser sur sa joue. « Cappie est un type bien… malgré son attitude à vouloir passer pour un crétin. Il est plus intelligent et imaginatif que bien des personnes que j’ai pu rencontrer. Il est digne de confiance… dans le cas contraire, j’serais plus là pour te le dire. »

Mon accident n’avait rien de bénéfique. Je savais qu’à un moment ou à un autre, celui qui m’avait mis dans cet état reviendrait à la charge. Sauf qu’il savait où j’habitais et n’hésiterais pas à s’en prendre à Cath ou Collinn au besoin. C’était vraiment ce qui m’inquiétais. Les flics avaient beau être avertis, il n’en restait pas moins que pour le moment il était toujours en liberté.

«Je suis sincèrement désolée de ne pouvoir t'éclairer sur son dealer. Mais sais-tu à combien s'élevait ses dettes?? Peut-être pourrais-tu la rembourser. Je suis prête à t'aider d'ailleurs. Je ne voudrais pas qu'il arrive un autre accident à toi ou à Cath!»

Secouant négativement la tête, mon but n’était pas de régler la somme astronomique que devait Stella. Certainement pas. Je ne marcherais pas dans cette combine.

« Non non Jiu ! C’est pas une question d’argent… enfin si… » grimaçais-je avant de lâcher un soupir qui me brûla la cage thoracique. « Mais c’est pas la solution. Si j’le rembourse, il en demandera toujours plus. C’que j’veux c’est qu’il se fasse choper et qu’il soit arrêté pour le meurtre de ma sœur. Collinn a tout vu… » baissais-je la tête. « Je veux simplement que tout rentre dans l’ordre. Que Collinn retrouve le sourire, cesse d’avoir peur et de faire des cauchemars toutes les nuits. » achevais-je dans un murmure. Je voulais juste que tout redevienne normal.

Je savais combien Cath était réticente à la présence de Jiulianna. Peut-être qu’un jour, elles parviendraient à se comprendre. En fait, j’en savais strictement rien. Si ça n’est que lorsque je prononçais le prénom de Jiu, je sentais Cath sur la défensive comme si elle craignait que je quitte Larissa pour suivre Jiu. Chose que je ne conçois pas mais qui nous ne sommes à l’abri de rien. Après tout, peut être que Cath envisageait Jiu comme une menace pour notre couple. C’était stupide, car jamais je ne ferais une chose pour la blesser. Mais en même temps, je peux comprendre que mon passé puisse l’inquiéter.

Abordant le sujet de Cappie, j’avais encore du mal à me faire à l’idée de ce qui a pu se passer entre eux. Surtout connaissant Cappie et son goût pour le fun. Il aimait se travestir pour s’amuser, draguer les filles, sans pour autant les mettre toutes dans son lit. Son attitude exaspérait généralement bien des femmes mais il était une personne de valeur et fidèle, malgré tout ce qu’on peut imaginer entre monologues qui n’ont ni queue ni tête ou encore par son désir de vouloir rester cet éternel gamin. Ma remarque fit mouche. Visiblement Cappie était même parvenu à mettre le bazar dans la vie de Jiulianna.

« En fait Samouel commence à s'impatienter... Il se demande ce qui peut bien me prendre autant de temps ici!!! Et je commence à épuiser mon lot d'excuse. »

Une petite moue sur le visage, je n’arrivais même pas à mettre un visage sur ce Samouel, mais je savais qu’elle devait l’aimer, sinon elle ne se serait pas engager envers ce type. Toutefois, elle était tombée dans les filets de Cappie et ça n’était pas chose aisée de s’en dépêtré. Comment je le savais ? Parce que Cappie attire les filles comme des mouches et généralement ça se finit toujours mal. Jiu était-elle, celle qui fallait à Cappie pour qu’il grandisse ?

« Mon accident peut toujours servir de couverture, tu sais ! » ironisais-je avant de reprendre plus sérieusement. « Y’a juste un truc qui me chiffonne… S’il t’aime et qu’il tient tant à t’épouser, pourquoi est-ce qu’il n’est pas encore venu à Larissa ? J’peux concevoir qu’il ait une vie prenante… mais je sais que si Cath venait à m’annoncer qu’elle devait partir à Athènes. Je me donnerais même pas 24 heures avant de la rejoindre. » Parce qu’elle est tout ce que j’ai, me rappelle une voix dans ma tête. Mieux que personne, Cath sait combien, elle m’est indispensable. Avec cette grossesse, c’est vrai que j’en fais beaucoup, même si mon état actuel ne me permet pas grand-chose. Dès que j’irais mieux, elle n’aurait guère de choix que d’accepter de se reposer sur moi.

Parlant de Cathlyn, j’évitais de parler des semaines sombres que nous avions vécues au printemps dernier. Je ne voulais pas replonger. Parler avec Cath à cette époque avait été difficile. Etre ensemble avait été une torture. Nous avions perdu beaucoup mais nos sentiments l’un pour l’autre restaient inchangés. Qu’elle soit revenue pour moi, était la preuve qu’ensemble, nous devions être. Individuellement, c’était un combat permanent contre ses démons qui nous pourchasse. Et pour rien au monde, je ne laisserais quelqu’un m’ôter le bonheur que c’est d’être à ses côtés.

Passant mon bras autour de ses épaules, je la resserrais doucement contre moi, comme j’avais pu le faire au cours de notre enfance. Quoi qu’il arrive je serais là pour elle. Mes conseils n’étaient peut-être pas les meilleurs mais dans tous les cas, c’était ceux-là même que j’avais suivis avec Cath. Bien qu’ils nous aient fallut un an avant d’admettre que ces sentiments que nous éprouvions l’un pour l’autre, dépassait le stade de l’amitié.

«En fait je crois que j'ai eu le coup de foudre. Ce que je ressens est tellement fort, et je ne me suis jamais sentie comme ça pour Samouel. Ce qui me fait croire que je n'avais jamais connu le grand amour... Pourtant, tu n'as même pas idée à quel point Cappie m'a énervé la première fois... Puis il y a eu ce dîner, et ce baiser. Mais j'ignore si ça voulait dire quelque chose pour lui! »

Un lent sourire se dessina sur mon visage. Oh oui, je savais combien Cappie était exaspérant. La preuve en était sa relation avec Cath, qui n’était pas une mince affaire. Elle l’acceptait parce que c’était mon ami mais ils étaient toujours chiens et chats tous les deux. Si une personne savait rendre complètement tarée une femme, c’était bien Cappie.

« Tu crois donc que je devrais me lancer?? »

Prenant une inspiration, mon regard balaya l’alkhazar park avant de trouver son regard. « Je pense qu’il serait plus judicieux de tirer les vers du nez à Cappie, pour savoir ce qu’il pense de tout ça. Je sais qu’être avec la bonne personne a un effet grisant. C’est une chose qu’on ne contrôle pas. Mais avant de lui avouer ce que tu ressens, tu dois t’assurer que c’est réciproque… C’est pourquoi avec Cath, on a autant attendu avant de sortir ensemble. On était amis et confidents… et en se mettant ensemble, on avait peur de perdre tout ça. C’était compliqué pour nous à cause de nos passés respectif. Faire confiance à l’autre n’est pas simple. Mais je sais une chose aujourd’hui… Si Cath n’avait pas croisé mon chemin, je serais devenu quelqu’un de très différent. Elle me rend meilleur à chaque seconde passée à son coté. » avouais-je dans un murmure. « J’étais désemparé, désespéré, paumé lorsque je suis arrivé ici… il a fallut un dépannage pour que je tombe sous son charme, sans même que je le réalise. Elle sortait d’une histoire douloureuse également, ça nous a rapproché. Après ça, au moins une fois par semaine on passait une soirée ensemble, à parler de nos relations désastreuses, à regarder des films romantiques qui m’insupportait et aussi où j’essayais en vain de lui apprendre à cuisiner autre chose que des salades ! » ris-je doucement. « Sans elle, j’aurais sombré Jiu. Et pas qu’un peu. »

«Soyez tout de même prudent tous les 3. On ne sait pas ce que ce malade peut faire!»

Ça, j’étais bien placé pour le savoir. A vrai dire, vu mon état, c’était la preuve que ce type était prêt à tout. C’est pourquoi, je préférais me taire plutôt que de lui dire combien j’en avais conscience. Car ce que je craignais, ça n’était pas tant qu’on s’en prenne à ma vie mais à celle de Cath, Collinn ou la moindre personne qui m’est proche. J’essayais de rester en dehors des ennuis mais si l’on s’en prenait à ma famille, je perdrais le contrôle ça serait inévitable. Je faisais des efforts pour lutter contre cette violence qui coulait dans mes veines, mais parfois certains évènements nous empêchaient de lutter contre notre vraie nature. Parfois, les gènes sont plus fort que le reste et c’est justement ce qui me fait peur.

Déviant finalement sur la raison de cette rencontre, j’écoutais mon amie me parler de Cappie et de Samouel. Si je ne savais pas grand-chose de son fiancé, concernant Cappie c’était une toute autre histoire. Notre passé commun, nos soirées dans son appartements, toutes ses fêtes qui rameutaient la moitié de la ville, je parierais cher que Jiu n’avait pas eu ce genre d’expériences avec son fiancé. Cappie était unique en son genre. Mais en dehors de son refus de grandir, il était l’un de mes meilleurs ami. Même s’il n’était pas forcément conseillé de le laisser seule avec un gosse. Paradoxalement, je n’arrivais toujours pas à concevoir que son fiancé n’ait pas débarqué en ville après toutes ses semaines. Encore si elle s’était disputé avec lui ou qu’un évènement ait poussé l’autre à prendre la fuite, je pourrais encore comprendre dans une certaine mesure. Sauf que ça ne semblait pas le cas.

« Je me dis la même chose. Surtout que les vacances de Noel arrivent vite. Mais je sais pas pourquoi il s'obstine encore à attendre que je revienne. Moi-même je n'aurais pas patienté aussi longtemps si les rôles avaient été inversés. »

Noël approchait et ses mots me turlupinaient. Pourquoi ce type ne réagissait même pas à son absence. S’il l’aimait comme il le disait, je ne voyais qu’une explication plausible. Ça n’était surement pas la chose qu’elle voudrait entendre mais rien n’était impossible, non ?

« Tu crois qu’il pourrait s’agir d’une sorte de test ? ou… de quelque chose de plus sérieux ? » soufflais-je du bout des lèvres. Il était bien connu que les mecs fidèles constituaient une petite communauté. Est-ce que Samouel l’aimait réellement ? Lui était il fidèle ? Je lui ferais bien rencontrer mon meilleur ami – mon poing –pour en avoir le cœur net. Sauf que je n’étais ni en état de me battre et qu’il était à des centaines de kilomètres aux dernières nouvelles.

Parler de Cappie m’était simple. Une amitié comme la notre se tissait et se développait au fil des années. Quand bien même Cath ne s’est jamais sentie proche de lui, je crois qu’avec mon accident, elle se rend compte de combien Cappie peut s’avérer être une personne de confiance. Sans lui, je serais certainement mort sous cette voiture. En revanche, donner des conseils à Jiu’ sur le plan sentimental, il fallait le reconnaitre, Cappie était un cas complexe. Et sur cette base, je m’estimais heureux d’être un mec. Je tentais alors de la conseiller du mieux que je pouvais, tout en connaissant Cappie et ses problèmes d’engagement. Il ne voulait pas grandir mais il semblait être allergique à toute sorte d’engagement qui dépassait l’amitié. Et j’espérais sincèrement que Jiu ne précipiterait pas les choses mais surtout, qu’elle arriverait à récolter les réponses qu’elle cherche. Car pour être passé par là, je sais que parfois il faut vraiment être patient pour réaliser si une telle relation a un avenir.

« Je suis très heureuse pour toi. Ça se voit que tu es heureux avec elle. Je vois la même lueur dans tes yeux qu'à l'époque de Galina. » A l’évocation de mon ex petite amie, je me pinçais les lèvres avant de détourner les yeux. Je n’étais pas sûr que Galina soit fier de moi aujourd’hui. Ni même si elle a pardonné ma lâcheté d’avoir fui dans une autre ville. Tout comme je n’étais pas convaincu que Jiu réalise complètement ce que ce départ m’a couté.

« C’est différent, Jiu. » murmurais-je avant de déglutir, laissant l’image de Galina flotter dans mon esprit l’espace de quelques secondes. « J’aimais Galina mais je l’avais déjà perdue. » avouais-je pour la première fois. Personne ne savait. Pas même Cath. Parce que c’était du passé et que Galina n’était plus là. Quelle importance ça aurait pu avoir. « Galina était atteinte d’une leucémie… l’accident n’a fait qu’abréger ses souffrances. » Achevais-je en fermant les yeux un instant. Je voyais encore l’image du corps de Galina à la morgue. J’étais celui qui l’avait identifié, sa famille n’ayant pas eu le courage de faire le déplacement depuis Athènes. « Elle m’a aidé à couper le cordon avec ma famille… j’lui serais redevable pour ça, toute ma vie… mais elle n’était pas la femme de ma vie. Cathlyn l’est. » Et ça, j’en avais la certitude. Aucune autre femme ne parvenait à me faire éprouver autant de sentiments contradictoires que Cath. Et pour me sentir je n’avais pas besoin de la voir, il suffisait que je sente son parfum flotter dans l’air pour trouver cette paix intérieure.

« Et c'est ce genre de bonheur que je désire avoir pour mon avenir. Seulement, je ne pense pas que ça soit avec Samouel que je puisse le trouver. Je ne peux pas dire qu'il ne me rend pas heureuse... Mais il manque un petit quelque chose que je n'arrive pas à nommer. Et ce petit quelque chose, je le ressens quand je pense à Cappie... » Un lent sourire se dessina sur mon visage à cette évocation. Je ne me rappelais que trop bien, le jour où Cath et moi, nous nous sommes embrassés. Dans le genre des situations les plus bizarres, elle figurait dans mon top 10.

« Cappie… c’est pas le genre de personne à qui on reste insensible. » fis-je dans un premier temps. « Il a toujours des idées démentes. Toujours prêt à tout pour ses proches. C’est un ami fidèle et je lui dois la vie. Mais si j’ai un conseil à te donner, c’est de tirer cette histoire au clair avant de t’engager dans quoi que ce soit… » Soutins-je son regard avant de rajouter avec un sourire naissant. « Quant au petit quelque chose… avec Cath, j’ai mis du temps à le réaliser. Entre nous, rien n’était innée. On sortait de relations désastreuses, on n’imaginait pas un instant qu’il pouvait exister quelque chose au-delà de notre amitié… c’est en réparant, une fuite d’eau chez elle que ma vie a basculé. Depuis, ma vie n’a plus jamais été pareille… Peu de personnes connaissent réellement Cathlyn. Elle est généreuse, aimante, douce, passionnée, honnête, romantique… faut pas se fier à tout c’qu’on dit sur elle. Beaucoup de personnes la trouvent distante, froide et qu’elle a tendance à vite s’énerver mais ils ignorent tout de ce qu’elle a traversé et combien elle a dû ériger des murs autour d’elle, afin de se protéger. » avouais-je en songeant à la perte de notre fils. « On dit qu’il faut prendre des risques en amour. Je sais que c’est vrai. Mais bien souvent, on le réalise trop tard. » C’était une dure réalité. Une de celles à laquelle j’ai dû faire face et dont c’est encore le cas aujourd’hui. Cath avait finalement pris le risque de garder le bébé mais beaucoup ignoraient les conséquences de cette décision. D’ici plusieurs semaines, il était probable que je perde tout. Et ça, je ne me permettais pas de l’envisager car j’ignorais encore comment il serait possible que je supporte une telle perte. « Ne fonce pas tête baissée sans avoir considéré toutes les éventualités, promis ? » lui demandais-je avant de déposer un baiser sur sa tempe.